Pour cette phase retour, le club nous avait posé un objectif clair. Avec une seule victoire sur la phase aller, nous devions réaliser le hold-up parfait et accéder à la poule haute. Il fallait les meilleurs, mais ils n’étaient pas disponibles.

N’espérez pas lire le résumé des matchs dans cet article, on a juste tout perdu.
Et puis à quoi bon monter en DR2 pour retrouver ces branques de Polygones 2 et leur seum légendaire ?

Mais notre objectif n’était pas la montée. Et si nous avons réalisé finalement un véritable braquage, notre butin n’est pas matériel, mais bien spirituel. Oui, on a gagné le Spirit. Oubliez Ocean Eleven, L’Arnaque, Usual Suspect. On parlera désormais longtemps du Clan des Sept Gorgones et de son trophée aussi mérité que l’attribution des jeux d’hiver à Pékin. C’est article s’intitule donc « COMMENT GAGNER LE SPIRIT QUAND ON NE CONNAIT PAS LES REGLES ? »

Sur le papier, notre roaster n’envoie pas du rêve :

Yullia « oeil pour oeil, nez pour nez » ;
Mélanie « mais je suis calme bordel » ;
Paul « je ne viens pas de Valence c’est pourri je viens de Romans d’ailleurs si il n’y avait pas eu la peste noire Romans serait grand comme Londres » ;
Pito « on peut être une girafe et ne pas avoir de coup droit » ;
Minou « j’ai horreur de la défaite, ma psy m’a recommandé cette équipe pour enfin affronter mes peurs » ;
Jérémy « on a pas encore de dossier sur lui mais quand la ligne D déconne sachez que c’est de sa faute » ;
et moi qu’on a embarqué malgré mon IMC à 35 et mon déambulateur juste parce que je fais des résumés sympas mais un peu trash. Heureusement, personne ne vient voir aussi loin sur notre site web.

Aaaah, Valence. Ils auraient pu avoir la paella, la mer et l’organisation de la coupe de l’America. Ils ont eu l’autoroute A7, la caillette et l’organisation de phase retour de DR3. Comme à Montpellier et Chambéry, Valence dispose d’un quartier Polygone. Si t’es une ville de province et que t’as pas un quartier qui s’appelle Polygone, c’est que t’as raté tes années 1990.

Mais revenons-en à notre braquage de Spirit.

Déjà, un petit rappel pour ceux qui ne connaissent pas l’Ultimate Frisbee : le Spirit a été inventé pour donner un trophée à ceux qui ne gagnent jamais rien. C’est cette pièce de 20 centimes que vous lâchez à un SDF en sortant de Monoprix avec dans les mains votre guacamole Blini à 17 euros les 100 grammes. C’est la fève que vous cachez dans la part de galette de votre petite nièce pour éviter les pleurs toute l’après midi.

Le Spirit, c’est ce qui donne la vraie valeur d’une équipe. C’est une mesure universelle dans les vallées. C’est l’étalon des plaines.

Voici donc 6 règles à respecter pour obtenir l’apeuprécieux trophée.

1. Tuer dans l’œuf tout espoir de victoire

Pour nous, c’était clairement le point le plus facile. On n’a pas eu à forcer notre talent. Perdre, on sait faire.
J’ai tout de même essayé de rappeler que la continuité, c’est le timing, c’est une petite musique sans fausse note, c’est la lettre à Elise, c’est le flow d’Eminem, c’est Gandalf qui revient à Elm quand tout espoir semblait éteint. Mais une fois sur le terrain, notre jeu ressemble à un mélange entre Magic System, Mister Bean et Oui Oui. Ça m’apprendra à essayer des métaphores quand on est maxifaibles.

2. Faire pitié aux adversaires

Si nos adversaires multiplient les frappes chirurgicales, on préfère de notre coté ralentir les transmissions en abusant de passes sanitaires, 20 mètres vers l’arrière. Les premiers calahans tombent. La rumeur s’emballe et tous les joueurs du gymnase font la queue pour enfin inscrire ce point mythique dans une carrière. Heureusement, l’organisation réagit rapidement en installant un distributeur de ticket emprunté au rayon boucherie du Carrefour voisin.

Le club n’ayant pas pensé à financer une vasectomie à notre meilleur joueur neuf mois plus tôt, nous continuons l’aventure à 6. Pito semble préférer ne pas laisser son nourrisson seul avec le rottweiler familial plutôt que de nous aider à arrêter l’hémorragie. J’en profite pour pousser un coup de gueule. Les personnes qui prennent des licences compétition ne devraient pas avoir le droit de se reproduire. L’individualisme, ça suffit ! On attend les capotes vertes arôme Guiness au prochain Symp’HATrick et les stérilets Tokay dans tous les bons tournois de la région.

Le problème quand on a qu’un seul remplaçant, c’est que l’on voit tout de suite si un joueur ne fournit pas les efforts nécessaires. N’est-ce pas Jeremy ?

Mais d’autres joueurs se révèlent alors. Notre jeune Polo découvre qu’après le LSD et la MDMA, la DR3 est la seule drogue où l’on ne craint pas la descente. Yullia s’essaie au sans contact avec le même enthousiasme que ma CB en période de soldes à Décathlon. Jérémy découvre qu’il a des jambes. Mais Mélanie se blesse à la main sur un tesson de bouteille laissé par un joueur de Shamrock, à moins que ce soit une tentative maladroite de passer un pacte de sang avec son double maléfique atteint du syndrome Gilles de la Tourette.

3. Séduire l’adversaire

Il fallait voir Mélanie et Yullia se précipiter à la pharmacie pour soigner les beaux joueurs blessés chez les Monkeys… Si elles couraient aussi vite sur le terrain on jouait la montée. Mais non, il n’y a que sur Tinder qu’elles s’intéressent un tant soit peu à leurs matchs.

D’ailleurs notons qu’il y avait beaucoup d’équipes avec pas mal de filles, sauf Meylan où visiblement on préfère les ambiances viriles. Entre deux points, j’essaie de les imaginer aller au resto ensemble, tous prendre un steak frite, parler chasse et finir leur soirée en regardant Fast And Furious puis en jouant à la tartine. Allaient-ils renommer l’équipe en Meylange-toi-pas ? Je me fais sortir de mes rêveries pas notre premier appel en longue du championnat, phase aller incluse.

Pour gagner le Spirit sans connaître les règles, il faut constamment flatter ses adversaires. Par exemple féliciter Haut B’gey Volant pour leur nouveau maillots qui nous vend une image idyllique du Jura avec sa montagne verte et son air pur, sans jamais faire référence aux crimes sordides de Montréal la Cluse et d’Izernore, aux génocide d’écrevisses à Nantua ou aux bas fonds d’Oyonnax.

Même chose avec Meylan, même si on ne comprend pas ce que font ces dauphins qui essaient de gravir une montagne. C’est des dauphins. Mais lent. Ça fait un peu flipper. Prendre comme mascotte un animal réputé pour son intelligence est une grosse prise de risque. Par exemple, nous on a Guignol sur nos maillots, et je sais désormais que ce n’est pas de l’humilité, mais bien du réalisme.

4. Faire croire qu’on connait les règles

La connaissance des règles par les joueurs est la pierre angulaire de l’Ultimate Frisbee. Pierre angulaire que l’on avait malheureusement laissée à Lyon pour accrocher les vélos que Nick n’arrête pas de se faire voler. Nous, on avait juste survolé le règlement comme on contemple Nantua depuis le viaduc autoroutier.

Nous avons donc évoqué allègrement « les nouveaux règlements » pour gratter des temps morts, fait des gestes aléatoires piqués à la chorégraphie de YMCA et joyeusement crié Pick dès qu’on avait un peu trop mal aux jambes pour suivre l’adversaire. Notre technique était donc de dissoudre tout doute chez l’adversaire. La fameuse technique du white spirit. L’assurance de térébenthine.

5. Tout miser sur les jeux

Après le match, c’est là qu’on fait réellement la différence au Spirit.

Déjà, il faut poliment refuser le jeu dit « de la raviole collective » de Vasylence. Il est considéré comme poli de remplir son frigo pour la semaine avec les victuailles proposée par les autres équipes.

Laisser Yullia proposer le jeu du saumon. Jeu qui posera beaucoup de sushis aux pauvres T-R’Aix dont les bras sont trop courts pour pouvoir clapper des mains.

Le fair-play c’est aussi des petits geste du quotidien, comme s’éloigner du huddle pour roter le cake chorizo-feta de Mélanie, ou les laisser caresser Minou.

6. Être en paix avec soi même

Tout le monde n’a pas eu la chance d’apprendre la notation du fairplay avec Cardi aux Moustix dans les années 2000 et il peut être dur pour un nouveau joueur d’assumer l’hypocrisie de moins bien noter ses adversaires que soi.

C’est la que notre préparation mentale a fait la différence. Les interminables chiens tête en bas de Pito (rattrapait-il discrètement du sommeil en retard ?) et les vidéos de méditation sportive de Yullia nous ont appris à faire la paix avec nous-mêmes : accepter notre inhumanité et mettre des sales notes de Spirit à tous nos adversaires alors qu’ils ont été parfaits.

Il ne nous restait plus qu’à féliciter les deux équipes Shamrock pour la montée, même si on comprend pas trop pourquoi leur équipe trois est plus forte que leur équipe deux. C’est compliqué dans toutes les familles, on ne juge pas. Jamais on ne proposera de renommer le club « les Villefranchement tarés ».

Merci à toutes les équipes pour leur gentillesse, Big Up à Valence pour l’orga en temps de Covid et non je n’ai rien contre Meylan c’est tombé comme ça c’est tout.

Résumé proposé par Pollux.